Présidentielles: l’éternel recommencement

Voici un article qui devrait avoir moins de succès que celui sur le triomphe du Vintage (puisqu’il ne parle pas que de Jean-Luc Mélenchon).

Cependant, puisque parfois j’ai l’impression d’être la seule à avoir un peu de mémoire, je vais vous dresser, en exclusivité, le tableau du séquençage médiatique de la campagne de 2017.

Qui sera le même que celui de 2007.

Qui est le même que celui que nous vivons en 2012.

Mais que nous aurons oublié d’ici là et que les médias pourront nous resservir tiède.

Je vous invite donc à imprimer cet article (sur du papier recyclé) pour gagner du temps dans 5 ans.

Novembre 2016 : l’équipe de campagne web de l’un des deux candidats majeurs achète l’adresse www.tartampion2017.fr du nom de son adversaire et en fait un site parodique à la gloire de son propre candidat.

(Séquence « blague potache » suivi d’un dossier dans l’express « Pourquoi l’équipe de Tartampion n’est pas à la hauteur »)

Décembre 2016 : Un candidat possède une nette avance dans les sondages. Les médias annoncent qu’il sera probablement élu au premier tour et suggèrent qu’il est presque inutile d’organiser l’élection.

(Séquence Chouchou)

1er Janvier 2017 : Comptes à rebours en une de tous les quotidiens et en bas à droite des bandeaux défilants des chaînes d’infos.

 10 Février 2017 : Marine Le PEN crie au complot : elle n’aura pas ses 500 signatures.

Comme d’habitude.

Jusqu’au moment où elle les aura, à quelques jours de l’échéance finale.

Mais bon, ça marche à chaque fois et à chaque fois cela monopolise l’antenne pendant une bonne vingtaine de jours pendant lesquels la tribu Le Pen fait le tour des plateaux et des journaux sans avoir besoin de parler de son programme économique par exemple qui a récemment fait se noyer de rire mon poisson rouge dépressif.

(Séquence martyr et complot).

12 février 2017 : Un candidat (en général pas gaulliste pour un sou) rappelle que l’élection présidentielle, c’est la rencontre d’un homme avec le peuple.

(Séquence « Général réveille toi, ils sont devenus fous »).

15 février 2017 : Le challenger (en gros, le candidat UMP ou PS qui n’était pas chouchou en décembre) revient dans la course.

Finalement c’est pas joué.

Les journalistes découvrent qu’il y a 40 millions de couillons qui ont le droit de vote et qui n’ont pas forcément prévu de voter comme ils le leur avaient demandé.

Quelle audace. On croit rêver. C’est bien le problème avec le bas peuple. Non seulement ces cons là ont un avis mais en plus : ils le donnent !

(Séquence « ah ben finalement y a du suspense, ce qui me pousse, moi journaliste omniscient à me remettre en question. Oh puis non tiens, je vais juste suggérer que « je l’avais annoncé » (personne n’ira vérifier) et pondre foultitude d’analyses foireuses qui maintiendront le niveau de vente et d’audience de mon canard).

1 er mars 2017 : Une usine risque de fermer (de préférence une aciérie).

Les délégués syndicaux, rôdés à l’exercice, mobilisent les médias pour couvrir l’événement. Sauver l’aciérie de XXXXXX* (*à compléter en 2017) devient une cause nationale. Les candidats défilent devant des ouvriers qui portent des casques et des drapeaux. Une délégation pilotée par Sud ou la CGT va balancer des fumigènes devant le QG de campagne du candidat sortant.

(Séquence « l’aciérie tout le monde s’en balance, personne ne veut y travailler, mais tous les 5 ans cela devient une priorité nationale pendant une dizaine de jours »).

 10 Mars 2017 : Ciel, un troisième homme !

Une campagne, déjà, à la base : c’est long. Mais comme les journalistes la font démarrer en moyenne 2 ans à l’avance (ce qui depuis l’adoption du quinquennat, donne un demi mandat au Président pour agir sans subir le diktat des sondages : brillante idée) vers mi mars, cela devient interminable, l’intérêt du Français moyen (dont moins de 30% lit les professions de foi et les programmes des candidats…) s’essouffle.

Là on va chercher l’homme providentiel, le « 3ème homme ».

On peut aussi l’appeler l’idiot du village, le dindon de la farce ou le corniaud : cela revient au même. A la fin il s’étale comme un jambon et on n’entend plus parler de lui.

En 2007 c’était Bayrou qui frôlait la timbale. En 2012 il est à moins de 10% dans les sondages.

Caractéristique de la « chance du 3ème homme » : elle ne passe qu’une fois.

Seconde caractéristique : le 3ème homme ne sert à rien

La mécanique est bien rodée : les journalistes choisissent une cible, la montent en épingle, la mettent en une,  ce qui la fait progresser dans les intentions de vote (forcément : exposition=effet dans les sondages) du coup on retitre :  « on vous l’avait bien dit : il monte. ».

CQFD.

Cette année l’invité du dîner de con journalistique est Mélenchon. Ce type avenant, plein d’avenir et d’idées neuves qui du haut de ses 28 ans au sénat nous vend le programme du parti communiste.

En ces temps de crise financière, c’est effectivement le portrait robot de l’homme de la situation.

C’te blague.

(Séquence « on a rien à dire de plus sérieux, créons une tendance inventée de toute pièce, racontons là, ça mange pas de pain et ça maintient le suspense »).

20 mars 2017 : Un fait divers tragique

Tout d’un coup, alors qu’on allait aborder des thématiques futiles comme le système de santé ou l’enseignement supérieur, une vieille dame se fait renverser par un jeune dealer maghrébin ivre sans permis qui  revenait d’un rendez-vous où il avait vendu de la drogue à des fondamentalistes et était en retard pour aller déguster un steak de viande hallal chez son cousin imam sans papier qui vit dans la cave d’une barre d’immeuble dans une banlieue du 93.

Damned.

On n’est plus chez nous.

Séquence insécurité, clichés, faux problèmes (au choix l’immigration, la délinquance routière, l’alcool, l’immigration, la viande hallal, l’islam, l’immigration, la banlieue, ou encore l’immigration).

Déplacements de tous les candidats en banlieue pour dire stop à l’amalgame tout en accumulant les propositions démago (il sera interdit de consulter un site internet dont l’adresse contient les syllabes MO et HAMED sans raison valable).

(Séquence TF1 est aux anges et nous claque 3 duplex pendant le JT de Jean-Pierre PERNAULT).

25 mars 2017: Les sondages, on leur fait dire ce qu’on veut

Marine Le Pen (éventuellement accompagnée d’un ou deux candidat frustré) viendra beugler sur tous les plateaux que les sondeurs sont de mèche avec le pouvoir et que son score et volontairement minimisé, parce que bon, on la lui fait pas à elle,  elle le sent bien dans la rue que les gens veulent tous voter pour elle.

(Séquence « martyr et complot » variante sondage)

28 mars 2017: Non à l’égalité des temps de parole.

Tout le monde s’indigne que Jacques PROMENADE ait autant de temps que le candidat UMP et PS pour vanter son programme sur la colonisation de Vénus.

Cette règle est stupide mais comme on n’a pas mieux et qu’il suffirait que l’exécutif en place tente de la changer pour que tout le monde s’en donne à cœur joie dans le registre du « fascistes », « dictateur » et que Yannick Noah serait capable de pondre une chanson en duo avec Cali on la garde.

(Séquence : problème qui devient la préoccupation n°1 des Français pendant 10 jours tous les 5 ans mais qui fournit des stages en audiovisuel à pas mal d’étudiants qui se retrouvent à décompter des microsecondes de temps de parole).

2 avril 2017: Les petits candidats (3ème homme en tête) réclament un débat avec les 2 grands avant le premier tour.

On avance que pour des raisons d’égalité des temps de parole : c’est pas possible.

Les petits candidas crient au scandale. Comme tous les 5 ans.

Les 2 grands se marrent : de toute façon ils n’ont aucun intérêt à se frotter à d’autres avant le second tour. L’égalité des temps de parole a bon dos.

(Séquence « c’est un scandale, plus jamais ça… jusqu’à dans 5 ans, puisqu’il n’y a JAMAIS eu de débat avant le premier tour, et qu’il n’y en aura jamais »).

10 avril 2017 : Séquence premier ministre

Les éditorialistes n’ont plus qu’une question à la bouche : « qui sera votre premier ministre ? ».

En public : on ne donne aucun nom.

En privé : on promet le job à tout le monde (ça motive les troupes).

Le candidat PS ou UMP le plus en retard dans les sondages fait fuiter dans la presse qu’il pourrait « tout à fait prendre un premier ministre centriste ».

(Séquence « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent »).

12 avril 2017 : Séquence Mort aux riches

Les 8 candidats d’extrême gauche qui atteignent les 3% d’intentions de vote en cumulé proposent de taxer à 150% les revenus au dessus du smic.

Le candidat de gauche emboîte le pas et annonce (à la surprise générale) qu’il taxera à la limite du confiscatoire les hauts revenus.

(Séquence « au cours des 20 prochains jours je vais faire semblant d’ignorer que les 10% de Français les plus riches s’acquittent de 70% des impôts du pays, parce que pour les élections, ils ne représentent que 10% des voix).

15 avril 2017 : Jean-Marc MORANDINI et la télévision belge et suisse menacent la démocratie en annonçant qu’ils diffuseront les résultats avant 20h.

(Séquence « les frontaliers qui captent les télé des pays voisins ont toujours eu les résultats à 18h et de toute façon chez eux, à cette heure là les bureaux de vote sont fermés)

1er tour : Les 2 candidats des partis majeurs qui répétaient à l’envie qu’il y avait un premier tour avant le second peuvent enfin déployer le plan pour le second tour qu’ils préparaient depuis des mois.

Au passage, les sondages se sont complètement trompés, le 3ème homme a fait un bide et un candidat que l’on n’attendait pas a eu un score supérieur de 50% aux estimations.

La classe politique et les journalistes jurent la main sur le coeur qu’on ne les y reprendra plus: les sondages, c’est tout pourri.

Le peuple s’exprime: il est contre les sondages à 86%. D’après un sondage.

3 jours après le premier tour : « C’est fou ce que je me suis toujours senti centriste » s’exclame le candidat qui a terminé en seconde position.

4 jours après le premier tour : « Vous déconnez ? Plus centriste que moi tu meurs. Je suis over centriste. » Répond le candidat qui a viré en tête.

Débat : Les partisans du PS trouvent que leur candidat a été le meilleur. (Remplacer PS par UMP pour ceux de l’UMP, j’avais la flemme de réécrire 2 fois la même phrase).

Second tour : Victoire du gagnant, sans triomphalisme mais avec gravité devant le défi qui l’attend. Il fait son premier discours une heure après la divulgation des résultats : désormais il va être non plus le candidat d’un parti, mais le Président de tous les Français.

Séquence rassemblement.

On fête cela à la Bastille s’il est de gauche.

A la concorde s’il est de droite.

Quelques excités saccagent des vitrines dans le quartier qui devait accueillir la fête du perdant.

Le lendemain, tous les journalistes commencent leur tribune par un « je vous l’avais bien dit » et la terminent par « plus que 1 825 jours avant le premier tour des prochaines élections».

Emballez c’est pesé.

Relisez cet article à partir de novembre 2021.

AR

5 responses to this post.

  1. Posted by juju on avril 13, 2012 at 9:32

    trois petites précisions :
    – il n’y aura plus de production d’acier en 2017. il faudrait remplacer par centrale nucléaire, société internet, PSG (avec le retrait des dirigeants qataris),…
    – le troisième homme finit parfois par gagner (chirac : 3eme en 81, vainqueur en 95 et 2002)
    – la date dans votre dernière phrase (2021) ne correspond pas avec la chronologie de tout l’article, ça fait un peu bizarre. Il faudrait plutôt mettre : « Relisez cet article à partir de novembre 2016, 2021, … »

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  2. Posted by Arthur on avril 13, 2012 at 1:54

    Salut !
    Tellement divertissant ! Merci pour cet article sur votre blog qui m’a bien fait rire.

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  3. Posted by Gzou on avril 30, 2012 at 4:05

    Il ne manque que le passage où les sondages se resserrent, et que le second commence à nous rappeler où nous ont conduit les xxx années de . Et peut-être aussi le profond débat d’idées, façon « cour de récré » (il porte des talonnettes / il a épousé un rottweiler).
    Elle est bien, la coloc’ ? (TAG)

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    • Posted by Gzou on avril 30, 2012 at 4:07

      … Petit problème d’affichage : lire « où nous ont conduits xxx années de gauche/droite (rayez la mention inutile) ».
      Et merci pour ce précieux aide-mémoire.

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    • Désolé Gzou mais le challenge de la coloc a déjà été remporté… J’en lancerai un autre bientôt avec mes poissons rouges 🙂

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